Poèmes II
Photo © Marko Liver Photography
Elle lui apparut quand vint l’heure bleue. Elle était assise sur le banc des amants dans l’allée des soupirs.
Il se souvint de l'inconnue dans le Tunnel de l'Amour. Elle s’appelait Macha.
L’arbre de Vénus pleurait. Une de ses larmes rouge comme le sang tomba sur la robe de soie saphirine de la jeune fille.
Elle devint, alors, un coquelicot dont chaque pétale étiolé fut emporté par le vent. L’un d’eux s’échoua dans l’amphore de la gardienne de pierre d’un cimetière oublié.
Lorsque des lucioles et des cigales jaillirent du noir azur, la muse reprit forme humaine. Parmi les tombes moussues, elle erra longuement avant de descendre dans une crypte.
Un chat la fixait entre les vitraux fêlés de la nuit. De quel temple égyptien venait ce doux félin que je vis, tout à coup, bondir sur le dais étoilé du ciel ?
Texte © Sélène Wolfgang
Extrait de "Le fado des heures"
LA GITANE DE SÉVILLE
Des cendres de cigarette
Se dispersent dans l’air.
La gitane de Séville,
Dans le noir firmament,
Brode des lys.
Elle a entrouvert le rideau
Fait de poussières d’étoiles.
Elle chante son amour
À la lune rousse.
Elle a cette mystérieuse aura
Qu’ont les démons apprivoisés.
Dans sa boîte de santal,
À jamais, sont enfermés
Les mauvais songes.
Une larme coule
De l’œil de la nuit.
Des cendres de cigarette
Se dispersent dans l’air.
La gitane de Séville,
Dans le noir firmament,
Brode des lys.
Poème © Sélène Wolfgang
Extrait de "Gitane rhapsodie/Chrysis"
Photo © Marko Liver Photography
NAISSANCE DU JOUR
Parmi les ruines, tirelirent
Les gardiennes des peupliers.
Leurs âmes en fleurs
Se ferment et gardent
Leurs dangereux parfums
Lorsqu’au crépuscule,
Se posent des hiboux
Sur leurs épaules nues.
Sous des torrents d’étoiles,
Leurs écorces flamboient.
Enracinées à ma mélancolie,
Les dormeuses, autrefois,
Filles de Neptune
Retrouvent en l’eau de mes larmes,
Leurs féeries disparues !
Elles livrent alors
Les lumières du couchant
Aux inconnus, à ces oiseaux
Qui ne savent plus voler,
Puis offrent leurs baisers
Aux anges de la nuit
Et de ces amours singulières,
Naît le jour !
Poème © Sélène Wolfgang
Extrait de "Gitane rhapsodie/Chrysis"
L'ÉLOGE DE LA MÉLANCOLIE
Elle a volé les rares
Rayons du soleil.
Elle est habillée des plus beaux
Bleus du ciel.
Lorsque d’un coup d’éventail,
Elle essaie en vain de balayer
Le douloureux souvenir,
Dans la lumière perse de ses yeux,
Je vois se mouvoir
Le spectre de la mélancolie.
Ses secrets sont dans ce livre
Perdu au fond de la mer.
Sous la houle de sa toison fauve
Aussi éclatante que la foudre,
Nage et roule
Comme le tonnerre un serpent.
Je l'ai aperçu, un soir,
Darder vers le firmament
Sa langue comme l'éclair !
Poème © Sélène Wolfgang
Extrait de "Gitane rhapsodie/Chrysis"
Photo © Marko Liver Photography
L'ATTENTE
Des saphirs irisent
Ses chairs de nuit
Avides des morsures
Du poète aimant
Dont le langoureux soupir
Plane encore,
Là, sous l’alcôve.
Son histoire tragique
Est dans chacune de ses larmes
Et la dernière ode
Est écrite dans la paume
De sa main blessée
Par les épines de la plus belle
Et la plus parfumée des fleurs.
Dans cette immense chambre
Endeuillée par le souvenir,
Où dorment les boas
Et les robes de soie,
Elle se regarde dans cette glace
Qui a perdu son tain,
Puis se dirige vers la fenêtre.
Elle attend l’oiseau,
Elle sent descendre
Sur elle, la froide
Volupté des caresses
Du soleil qui se couche.
Elle attend l’oiseau,
Fils de Tenebra,
La nuit, qui lui ouvrira
Ses ailes et déposera
Sur son balcon les lettres
De l’ultime prétendant
Au trône de son coeur.
Elle attend, elle attend...
Poème © Sélène Wolfgang
Extrait de "La Muse à la lyre"
LA TUEUSE AUX MAINS DE NUIT
Au fond de ce bouge,
Vous étiez sans défense
Quand, devant vous,
J’ai dégainé mes charmes.
Le sombre animal
De vos yeux me dévorait.
Je ne pouvais rendre mon arme.
Du baiser fatal que je vous ai donné,
Vos lèvres sont encore meurtries,
Vous ne serez pas l’amant d’une nuit !
Grisé, vous êtes…
De ma divine essence
Depuis ce duel enflammé…
Je vous possède !
Poème © Sélène Wolfgang
Extrait de "La chevaucheuse de lune"
Photo © Sébastien Toubeau