Poèmes I
Illustration © Sandra Aitmehdi
EN ÉCOUTANT DES FLEURS
Dans un champ d’étoiles,
Je me suis endormie
En écoutant des fleurs.
Les coquelicots ont taché
Mon sein nu.
Je suis née de la pluie.
Par le parfum de la brise,
Je me laisse étourdir
En écoutant des fleurs.
Tes vers me traversent,
Le poème se fait chair.
Sous un saule pleureur,
À l’orée d’un bois,
J’imagine ta voix,
Ton souffle brûlant
Au creux de mon cou,
Notre premier baiser
En écoutant des fleurs
Et le hululement du vent.
Tu me diras ces mots
Que je n’ai jamais entendus.
Je verrai mourir les nuits,
Je cesserai de m’abîmer.
Je verrai naître les jours,
Nous rallumerons les flambeaux
En écoutant des fleurs.
Poème © Sélène Wolfgang
Extrait de "En écoutant des fleurs"
Illustration © Sandra Aitmehdi
L'IRIS POURPRE
Les ailes déployées
D’un héron cendré
Touchent le soleil
Noyé dans la brume.
La verseuse de songes
Aux cheveux éoliens
Mord le calice,
Vole les parfums
De l’iris pourpre
Qui a éclos à l’aurore.
Des plumes de cygnes
Couvrent son corps
Ondulant comme la vague.
J’habite ce poème,
Sous le berceau d’eau,
Cet endroit rêvé,
Cette forêt enchantée
Depuis que tu m’as laissée.
Ton souvenir plane
Au-dessus des vestiges
Du temple de l’Amour.
Sous tes pieds de profane
Qui aiment fouler l’azur,
Palpite encore mon cœur,
L’iris pourpre.
Les ailes déployées
D’un héron cendré
Touchent le soleil
Noyé dans la brume.
J’habite ce poème,
Sous le berceau d’eau,
Cet endroit rêvé,
Cette forêt enchantée
Depuis que tu m’as laissée.
Poème © Sélène Wolfgang
Extrait de "La chevaucheuse de lune"
PENUMBRA
Je me réveillerai à l’aube de ton corps pour prendre ton cœur, puis descendrai comme un deuil sous la houle de tes draps. Dans le vieil alambic, bout l’amour, celui-là qui endort les maux ! Je veux ton sang pour élixir, mourir sous l’alchimiste caresse, sentir une dernière fois la fièvre de tes baisers et l’odyssée tiède entre tes bras.
Texte © Sélène Wolfgang
Extrait de "Cendres et porcelaine"
Illustration © Sandra Aitmehdi
Illustration © Sandra Aitmehdi
LE CARNET DES CHIMÈRES
Le papier a des yeux,
De grands yeux
Pour voir que les pendules nimbées
De fleurs fantomatiques ont des visages.
Le papier a des mains,
De grandes mains
Qui à elles deux forment un écrin
Où sont enfermées toutes mes larmes.
Le papier a des jambes
De longues jambes
Pour chevaucher l’oblique de l’existence
Et traverser les ruelles en feu
Où dansent les maudits.
Le papier a des dents,
De longues dents,
Les ailes d’un ange pendillent
Aux lèvres de ce voleur de reflet
Et les pendules qui ont des visages,
Les fleurs fantomatiques
T’observent en salivant,
Le papier a des dents,
De longues dents
Pour te dévorer, Ennui !
Poème © Sélène Wolfgang
Extrait de "Noir mouvant"
Illustration © Sandra Aitmehdi
LES QUATRE SAISONS
Elle porte un long
Manteau de givre.
Un crâne tournoie
Au bout de son doigt.
D’un fourreau d’escarboucle,
Elle a sorti le glaive.
Voici l’hiver !
Elle est la vouivre que le rat
À six queues suit,
Mais n’ayez crainte !
À minuit, la belle gorgone
Coiffée de coquillages
Et de coraux céruléens
S’endormira dans ce nymphée
Que le lierre enguirlande
Et aucun bruit ne la réveillera,
Pas même un vol de corbeaux !
Voici le printemps !
Déjà, je vois son corps
Se mouvoir parmi les campanules
Et les lys sauvages.
Elle est la tragique Sappho,
La dame des sept collines,
La savante sibylle.
À l’entrée de l’antre
Où sont cachés tous les joyaux
D’Orient, un dragon
Avale l’astre de feu,
Puis le recrache dans le firmament.
C’est alors que drapée de satin
Rouge, elle m’apparaît !
Voilà l’été !
En marchant vers le temple,
Elle murmure des prières.
Les perles d’obsidiane
Autour de son front et de son cou
Ont le scintillement des nébuleuses.
Elle est l’almée, le jour !
L’apsara, la nuit venue !
Les chants des chasseresses se mêlent
Aux chuchotements de la rivière.
Le ciel flamboie.
Sur son écorce, se promène
La langue de l’aspic.
Elle est l’héliade
Changée en peuplier !
Voilà l’automne !
Sur l’absinthe, lentement,
Se meurt l’oiseleuse
Au casque de colchiques.
Les nuages tirent
Leur révérence avant l’envolée
De la treizième fée.
Les plumes safran
Qu’elle avait emprunté
À l’oiseau-tonnerre
Dansent à présent
Dans l’air rose
Du crépuscule avec mille
Feuilles mortes.
Poème © Sélène Wolfgang
Extrait de "Ballades d'une nuit musicienne"
Illustration © Sandra Aitmehdi
LA GITANE DE SÉVILLE
Des cendres de cigarette
Se dispersent dans l’air.
La gitane de Séville,
Dans le noir firmament,
Brode des lys.
Elle a entrouvert le rideau
Fait de poussières d’étoiles.
Elle chante son amour
À la lune rousse.
Mystérieuse est son aura,
Elle a apprivoisé ses démons.
Dans sa boîte de santal,
À jamais, sont enfermés
Les mauvais songes.
Une larme coule
De l’œil de la nuit.
Des cendres de cigarette
Se dispersent dans l’air.
La gitane de Séville,
Dans le noir firmament,
Brode des lys.
Poème © Sélène Wolfgang
Extrait de "Gitane rhapsodie/Chrysis"
Illustration © Sandra Aitmehdi
MAVKA
Par la fenêtre de sa chambre, elle regarde les passants. Elle ne reverra plus son père ni sa mère. Mavka est orpheline à présent. Elle repense à ce malheureux printemps. Elle revoit les champs de tournesols, la maisonnée en flammes. Elle se souvient de ce chant au milieu du chaos. Était-ce celui du vent ou de la rivière ?
Reverra-t-elle, un jour, ce pays où elle a grandi ? Ces primevères qu’elle aimait cueillir refleuriront-elles au milieu du néant ? Les oiseaux ne chantent plus, depuis des mois, là-bas. Éternelle est la nuit. La Grande Faucheuse a dévoré les astres. Elle a aspiré toute la lumière qui manquait à son cœur !
Par la fenêtre de sa chambre, elle regarde les passants. Le vent passe ses doigts dans la longue chevelure du soir qui cache la lune. Mavka tremble, puis tombe comme une fleur. Est-ce pour un court ou long sommeil ?
Le grisant espoir reviendra-t-il rosir ses joues ? Le ciel retrouvera-t-il ses astres ? Les primevères refleuriront-elles et les oiseaux chanteront-ils à nouveau là-bas ?
Soudain, Mavka s’éveille. Son tendre murmure s’élève, vole et berce le monde.
Texte © Sélène Wolfgang
Extrait de "Les soeurs d'Ys"
Illustration © Prisca Poiraudeau
CURIEUSE VISITE
La nuit descendit sur la côte. Elise dormait profondément dans la chambre bleue des rêves lorsque le doux visage d’Eleanora lui apparut. Eleanora était sa mère. Son long manteau en peau d’hermine traînait sur le sable rose. Ses cheveux avaient la couleur des soleils couchants. Elle tenait dans sa main un coquillage dans lequel étaient enfermés un anneau et une chaîne en argent. La forme évanescente d’Eleanora s’approcha d’Elise. Ses lèvres rouge sang murmuraient:
« Je ne suis plus là, mais je ne t’ai jamais abandonnée Elise. Le fardeau que je portais était trop lourd quand la mer m’a ouvert ses bras. Je demeure à présent dans un château sous la lagune. Je t’offre cet anneau. Sache que je veillerais toujours sur toi, mon enfant, mon amour ! »
Puis, tel un oiseau marin, elle s’envola et plongea dans les eaux mortes auréolées de brume afin de rejoindre le palatin tombeau.
Une plume aussi légère et diaphane qu’un nuage de fumée tomba sur les paupières d’Elise qui sortit de son sommeil. Cette plume semblait être celle d’un ange. Un coquillage couvert de cendres de lune étincelait sur sa table de chevet. Elle l’ouvrit. L’anneau de Mélusine flamboyait dans l’écrin océan comme les premières lueurs du jour. Elise n’avait pas rêvé…
Texte © Sélène Wolfgang
Extrait de "La maison au bord de l'océan/En comptant les étoiles"