Tu veux savoir de moi le secret des sorcières ?

J’allumerai pour toi leurs nocturnes lumières,

Et je t’apprendrai l’art très simple des sorcières.

 

Renée Vivien

Illustrations © Sandra Aitmehdi

LES QUATRE SAISONS

 

Elle porte un long

Manteau de givre.

 

Un crâne tournoie

Au bout de son doigt.

D’un fourreau d’escarboucle,

Elle a sorti le glaive.

 

Voici l’hiver !

 

Elle est la vouivre que le rat

À six queues suit,

Mais n’ayez crainte !

 

À minuit, la belle gorgone

Coiffée de coquillages

Et de coraux céruléens

S’endormira dans ce nymphée

Que le lierre enguirlande

Et aucun bruit ne la réveillera,

Pas même un vol de corbeaux !

 

Voici le printemps !

 

Déjà, je vois son corps

Se mouvoir parmi les campanules

Et les lys sauvages.

 

Elle est la tragique Sappho,

La dame des sept collines,

La savante sibylle.

 

À l’entrée de l’antre

Où sont cachés tous les joyaux

D’Orient, un dragon

Avale l’astre de feu,

Puis le recrache dans le firmament.

 

C’est alors que drapée de satin

Rouge, elle m’apparaît !

 

Voilà l’été !

 

En marchant vers le temple,

Elle murmure des prières.

 

Les perles d’obsidiane

Autour de son front et de son cou

Ont le scintillement des nébuleuses.

 

Elle est l’almée, le jour !

L’apsara, la nuit venue !

 

Les chants des chasseresses se mêlent

Aux chuchotements de la rivière.

Le ciel flamboie.

 

Sur son écorce, se promène

La langue de l’aspic.

Elle est l’héliade

Changée en peuplier !

 

Voilà l’automne !

 

Sur l’absinthe, lentement,

Se meurt l’oiseleuse

Au casque de colchiques.

 

Les nuages tirent

Leur révérence avant l’envolée

De la treizième fée.

 

Les plumes safran

Qu’elle avait emprunté

À l’oiseau-tonnerre

Dansent à présent

Dans l’air rose

Du crépuscule avec mille

Feuilles mortes.

 

Poème © Sélène Wolfgang

Extrait de "La chevaucheuse de lune"

 

MESSALINA

 

Dans la ville que des cierges illuminent, Messalina danse pieds nus. La tristesse qui supplicie son cœur, alors, disparaît.

 

Ses cheveux, fumée blonde constellée de fleurs angora ondulent dans le fauve éther.

 

Des chats courent vers les étoiles. La lune est pleine. La fontaine murmure des mots d’amour aux oiseaux qui semblent flotter dans le bleu marin du ciel.

 

Dans la ville que des cierges illuminent, Messalina danse pieds nus.

 

Texte © Sélène Wolfgang

Extrait de "Antigone, la rouge" (à paraître)